Au Pays du jamais-jamais, celui dont Peter Pan est le héros, mais aussi celui qu’Anne Brégeaut a conçu pour son exposition, le temps est arrêté. Et les enfants tristes – d’avoir déjà perdu leur enfance – se réfugient dans les souvenirs qui hantent leur mémoire.* Mais « nos souvenirs ont-ils jamais vraiment existé ? » dit une phrase écrite au mur comme une apparition. C’est une réflexion sur le temps, sa suspension ou sa circulation, le temps qui passe, toujours un peu pareil, jamais vraiment le même.
À l’entrée, une chambre de maison de poupée, détachée de son corps de logis, offre immédiatement une plongée dans un monde imaginaire. Comme si c’était vrai, on pourrait presque y entrer, mais comme c’est faux, elle est juste un peu trop petite. Au lieu d’une fenêtre, il y a la lune. L’Heure bleue donne le ton de tout le parcours, comme la lumière de ces fins d’après-midi propices à la rêverie et au vagabondage de l’esprit. […]
Que ce soit dans ses sculptures, ses films d’animation ou ses peintures à la gouache, Anne Brégeaut juxtapose et fait cohabiter des images que la logique interdirait d’assembler. Elle représente de vrais objets inspirés d’univers fantasmatiques fermés sur eux-mêmes, comme cette station de métro en forme de palmiers à West Hollywood, […] tous les codes sont ici allègrement inversés. Dans cet univers enfantin qui ne l’est pas vraiment, Anne Brégeaut dessine toujours des perspectives rabattues. Et c’est l’usage de la gouache qui leur donne toute leur profondeur. Comme l’explique l’artiste, la gouache n’est pas faite pour des effets de transparence, elle est simple, efficace, directe. À l’image de son travail.
Anaël Pigeat
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anne brégeaut
Anne Brégeaut est née en 1971. Elle vit et travaille à Paris.
Malgré une évidente économie de moyen (planches de bois, peinture acrylique, gouache, pâte à modeler, quelques objets épars), Anne Brégeaut invente sans cesse de nouveaux usages de l’espace qu’elle a à sa disposition, avec la plus grande irrévérence à l’égard des rapports d’échelle et des hiérarchies traditionnelles. Au delà des objets, le spectateur est invité à prêter attention aux espaces qui les séparent. C’est bien l’espace qui est au cœur de l’œuvre d’Anne Brégeaut et à travers lui, la question de l’errance, du voyage et de la trajectoire personnelle.