En tout état de cause, les compagnons de route d’Ernest Pignon-Ernest se recrutent moins chez les artistes que chez les poètes et les écrivains. Parmi eux, nombreux – et non des moindres – sont ceux ayant écrit sur son travail. Nombreux sont aussi les textes à avoir inspiré l’artiste (qui, en retour, s’est d’ailleurs souvent donné pour tâche de dessiner les corps de leurs auteurs). Mais son amour des mots n’empêche nullement Ernest Pignon-Ernest de placer régulièrement ses travaux sous le haut patronage du Caravage, de dire l’influence décisive sur lui de Picasso ou même de se voir attribuer par les jeunes artistes du Street Art le statut de prédécesseur.
Car, il y a, en effet, chez Ernest Pignon-Ernest une virtuosité manifeste dans l’art du dessin qui s’est très tôt accompagnée, tant d’un travail méticuleux, que d’une conscience intime de l’insuffisance du seul dessin. C’est bien ce qui l’a poussé, dès 1966, à apposer ses dessins sur les murs des villes pour en faire les révélateurs de la symbolique et de l’histoire des lieux choisis (dans un geste qui n’a donc rien d’anti-muséal ou d’anti-institutionnel). Manière de proposer le lieu lui-même en provoquant l’œuvre par la mise en situation du dessin, dans une attitude singulièrement teintée à la fois d’innovation et de classicisme que nous pourrions subsumer sous l’appellation d’« antimoderne », valorisée par Antoine Compagnon selon ces termes 
: « moderne pris dans le mouvement de l’histoire mais incapable de faire son deuil du passé *.»
L'exposition à la maison des arts, centre d'art contemporain de malakoff mettra l'accent sur les méthodes et techniques de travail de l'artiste et présentera de nombreux documents, tels que des dessins préparatoires et des croquis ou des films documentaires et des livres. En matière d'illustration l'attention sera portée sur les quatre temps forts dans le parcours d'Ernest Pignon-Ernest que sont ses travaux sur la Commune, sur Naples, et ceux, plus récents, réalisés en Palestine et en Afrique du Sud.

ernest pignon ernest

Ernest Pignon-Ernest est niçois, il vit et travaille à Paris.
Depuis presque cinquante ans il appose des images sur les murs des cités. « …au début il y a un lieu, un lieu de vie sur lequel je souhaite travailler. J’essaie d’en comprendre, d’en saisir à la fois tout ce qui s’y voit : l’espace, la lumière, les coeurs… et, dans le même mouvement ce qui ne se voit pas, ne se voit plus : l’histoire, les souvenirs enfouis, la charge symbolique… Dans ce lieu réel saisi ainsi dans sa complexité, je viens inscrire un élément de fiction, une image (le plus souvent d’un corps à l’échelle 1).Cette insertion vise à la fois à faire du lieu un espace plastique et à en travailler la mémoire, en révéler, perturber, exacerber la symbolique…». Interview avec André Velter.

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