Existe-t-il quelqu’un d’autre que Jean Berthier qui pourrait, en toute légitimité, revendiquer la qualité de « Peintre Jazz » ? Un titre équivalent à ce « Jazz Poet » dont se prévalait Jack Kerouac, avant de prendre 242 chorus sur Mexico City Blues… Jean Berthier a improvisé en compagnie de Jean-Louis Chautemps, de Jacky Samson, du quartette d’Henri Texier ; de concert avec Martial Solal, il a illustré Early Autumn et rencontré, en même temps que Francis Hofstein, le guitariste Gérard Marais. Tout cela est bel et bon mais n’a d’existence qu’en tant qu’épiphénomène : l’essence réside dans ce « feeling jazz » sous-jacent qui pousse Berthier à conduire son œuvre toujours plus loin, toujours ailleurs. Au coude à coude avec Louis Armstrong et Thelonious Monk, Duke Ellington et Charlie Parker.
Il faut, disait Jean-Louis Chautemps, « ne jamais oublier que, comme les plus grands jazzmen, Berthier pense vite ». Aujourd’hui il a choisi de pratiquer le collage, mode d’expression qui, tel un chorus expulsé dans l’instant, n’admet pas le repentir.
Berthier déchire, éparpille, recompose, amende, contredit les pages de cette presse du jazz dont il fait son miel. Titres éclatés, exaltés, masqués, déguisés que fouaillent, tel des coups de baguettes sur une cymbale, les éclats de couleurs éclatantes, dispersés ou juxtaposés selon un ordre apparemment désinvolte, toujours irréfutable. Des visages aussi, des silhouettes, sont au rendez-vous. Pour d’insolites rencontres – un tout jeune Miles Davis sourit à ses doubles qui viennent de graver respectivement Kind of Blue et Tutu, Ella Fitzgerald croise Barney Wilen alors qu’Helen Merrill rêve à Bill Evans – d’improbables juxtapositions qui dans leur logique, composent une histoire rêvée du jazz ; Aussi belle que l’authentique. On ne saurait trop remercier Jean Berthier d’en avoir été le démiurge.
Alain Tercinet
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jean berthier
Jean Berthier est né en 1923 à Philippeville en Algérie et est mort en 2004 à Malakoff.
Sa pratique artistique est intrinsèquement liée à sa passion pour la musique. Berthier a toujours peint ce qu’il entendait et certains de ses tableaux ont d’ailleurs été réalisés en performance publique : pendant qu’une formation jouait, Berthier retranscrivait sur une toile le ressenti que lui inspirait le morceau. Jean Berthier a laissé une œuvre originale caractérisée par un sens du rythme et de la couleur.